Une passion

La première fois que je l’ai vue, c’était dans la maison de mes grands-parents, à un déjeuner dominical.Ils étaient tous là, mon arrière-grand-mère, mon grand-père, et ma grand-mère. Je n’avais que cinq ou six ans, et de ce fait on ne m’a pas laissé l’approcher. Elle se trouvait à table avec les autres, et si belle que j’avais envie de la toucher. Mais j’étais vraiment trop petit. Je me suis dit ce jour-là, que je la reverrais quand je serrai grand, et que personne ne pourra me l’enlever.

Plus tard, je l’ai croisée de nouveau dans une sorte de foire, à la campagne. La foule se pressait autour des stands, et quand je l’ai revue, resplendissante en ce matin de printemps, j’ai bien failli craquer. Je me suis approché, mais les amis avec qui j’étais étaient pressés. A regret, je l’ai quittée des yeux, et c’est un autre homme, un quinquagénaire, qui me l’a ravie. J’étais un peu jaloux. Néanmoins, j’espérais qu’il prendrait soin d’elle. Je ne lui voulais que du bien. Et puis je me suis dit que c’était le destin.

Elle est finalement entrée dans ma vie. Notre premier jour passé ensemble, il faisait si froid qu’on avait besoin de se serrer l’un l’autre non-stop. C’était un tel réconfort de l’avoir près de moi, sur le canapé à peine livré! Car je dois vous dire que je venais d’emménager dans mon premier appartement, et que je manquais cruellement de biens matériels. Bref, on a pris nos aises et on regardé la télévision, elle et moi, presque toute la nuit. Elle me tenait bien chaud et j’ai fini par m’endormir. Bien sûr, elle m’a accompagné dans la chambre. En fait, elle me suit dans toutes les pièces du matin au soir. Impossible de se passer l’un de l’autre.

Rapidement, j’ai changé d’appartement. Dans le déménagement, j’ai bien failli la perdre. Un peu de tohu-bohu et je l’aurais retrouvée salement amochée. Elle est si fragile! Malgré tout j’étais un peu las de sa présence. Et comme je déteste toute forme de dépendance, on a décidé de se séparer pendant quelques semaines.

Les retrouvailles ont été passionnelles, moi qui pensais l’avoir brisée! On a fêté ça au champagne. Elle n’a pas l’habitude des boissons alcoolisées, de sorte qu’elle a pris une teinte suspecte. Alors j’ai eu pitié d’elle et on a fini par trinquer au thé vert.

Et puis le jour fatidique est arrivé: je l’ai brisée. Je m’en veux énormément. Je manque parfois de délicatesse, et ce jour-là, j’ai agi avec une brusquerie inacceptable. Elle m’a filé entre les doigts. Et impossible de recoller les morceaux! Entre elle et moi, c’était irréparable.

Immédiatement, j’ai voulu la remplacer.

J’ai donc pris le RER, et me suis rendu au BHV, à Paris. Je l’ai repérée sur une étagère, toute neuve, et me suis emparé du seul exemplaire restant.

Que voulez-vous, je ne peux pas me passer de ma tasse préférée!

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Author: Alex

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