Je ne suis plus tout jeune, mais voyez-vous, lui et moi, nous avons fait les quatre-cent coups!
Pourtant, ce n’était pas gagné. Le vendeur m’avait prévenu: « Avec un tel engin, vous ne participerez pas aux 24h du Mans, mais il est très maniable, plutôt léger, et équipé de roues dernière génération ».
Le gars, un professionnel intègre et passionné par son métier, m’a aidé à réaliser quelques réglages adaptés, avant que je prenne place avec précaution sur le siège de cuir marron, tout neuf et ferme sous mon postérieur. Puis on est sortis pour un petit tour dans le quartier.
J’étais convaincu.
De retour à la maison, ma fille, émue de me voir de nouveau motorisé, m’a pourtant mis en garde contre les dangers et les risques d’accidents. Je lui ai répondu de ne pas s’inquiéter: je me voyais mal faire des excès de vitesse. De fait, je n’ai jamais quitté la ville. Mais pour aller chercher le pain et me rendre chez le kiné, aucun problème.
Je zigzague parfois sur la chaussée. Les chiens m’aboient dessus. Heureusement, la police me laisse tranquille, même s’il m’arrive de ne pas respecter la priorité. Parfois, les enfants me regardent avec des yeux ronds. Les plus petits, en particulier, me fixent avec envie, surtout ceux qui sont sanglés dans une poussette, il faut les comprendre! Mais le plus souvent, ils rigolent, pas comme tous ces adultes qui me prennent en pitié. Je me demande bien pourquoi, vraiment, et je m’interroge.
Est-ce dû à mon âge?
Car voyez-vous, j’ai soixante-seize ans et cela fait quarante ans que je suis en fauteuil roulant.