Le mois dernier, j’ai lu la Biographie de Balzac, par Stephan Zweig.
Un sacré choc.
Je savais, comme tout le monde, que c’était un bourreau de travail, mais j’ignorais à quel point. Ce géant la littérature travaillait seize heure par jour, édifiant en deux ou trois ans de labeur acharné ce que tout écrivain « moyen » écrirait en l’espace d’une vie entière.
Balzac représente pour moi le « forçat des lettres », enchaîné à sa table de travail comme un condamné à mort à sa geôle. Chez lui, point de « loisirs », point de « vacances ». L’homme ne s’accordait qu’une heure de pause par jour pour se détendre. Il se rendait alors dans les salons à la mode pour parler (trop fort), et se montrer (en dépensant des fortunes dans des vêtements et accessoires, comme sa fameuse canne qui lui a coûté plus de sept cents francs, une petite fortune à l’époque).
Balzac observait une routine immuable, même lorsqu’il se rendait chez des amis ou des femmes: couché à 18h, il se faisait réveiller à minuit, endossait son costume large et se mettait au travail. Il écrivait jusqu’à 8h, sans pratiquement faire de pause, si ce n’est pour mettre en route la cafetière et boire l’une de ses 50 000 tasses de cafés qu’il aura consommées pour édifier les 52 romans de sa gigantesque Comédie Humaine. Mais le labeur de la journée n’était pas achevé. Il recevait alors de la part de ses imprimeurs les épreuves, c’est-à-dire les pages dactylographiées de la veille. En même temps, ses manuscrits du jours partaient pour l’imprimerie. Le reste de la journée était consacré à la réécriture.
Enfin, il s’octoyait une petit pause.
Son organisme n’a supporté ce régime-là « que » durant une vingtaine d’années. Il nous laisse d’impérissables chefs-d’oeuvre: Les Illusions Perdues, La Peau de chagrin, Eugénie Grandet, la Cousine Bette, le Colonel Chabert, et tant d’autres romans.
Et vous, que seriez-vous capable de faire, en tant qu’artiste, entrepreneur, chercheur, en suivant une telle routine, ne serait-ce qu’en consacrant le dixième du temps employé par Balzac pour édifier son oeuvre?